SYMBIOSE(S)

Galerie des Art’Gentiers

18 mars – 15 mai 2022

 

La Galerie des Art’Gentiers est heureuse de présenter SYMBIOSE(S), une exposition de groupe rassemblant des artistes bordelais dont les travaux explorent notre relation intime, instinctive et sensorielle avec la nature. 

Le titre de cette exposition fait référence au terme scientifique qui désigne l’association biologique durable et étroite entre deux organismes vivants, mutuellement bénéfique. La symbiose que cette exposition met en lumière est celle de l’être humain avec son environnement. Clairement, nous ne sommes plus l’organisme vivant bénéfique à l’autre dans cette équation. L’Homme qui, de tous temps, a cherché à établir une connexion avec son environnement, est aujourd’hui obligé de tisser un lien nouveau avec la nature face à l’urgence climatique.

Les artistes présentés dans SYMBIOSE(S) essaient tous, à leur manière, d’entrer en contact avec cette nature délaissée pour créer à nouveau le dialogue. C’est pourquoi le titre de l’exposition suggère le pluriel : il y a autant de dialogues qu‘il y a d’artistes. On pourrait même considérer chaque œuvre comme une bouteille lancée à la mer pour (r)établir le contact.

Nature est désirée de nouveau et devient sujet de fantasmes et d’espoirs. Dans un élan propulsé par le manque, un besoin vital de fusion, de connexion exacerbée avec Terre, les dialogues présentés dans cette exposition peuvent tous à leur manière être vus comme les symbioses retrouvées d’un âge d’or où l’homme et la nature vivaient dans une relation mutuellement bénéfique. Face à la gravité de la situation, on se mêle d’emblée, on s’hybride, on noue ses racines, on anastomose, on respire d’un même souffle partagé en devenant nature pour mieux la comprendre et créer de nouveaux rêves d’harmonie. 

Les œuvres issues de ces dialogues symbiotiques font se rencontrer les espoirs de deux organismes en alignant leurs pouls. Elles abolissent les espèces et proposent une langue commune, une vision unique donnant corps aux hypothèses biogéochimiques selon lesquelles l’ensemble des êtres vivants sur Terre formerait un vaste et unique superorganisme[1]. Tous les individus de la biosphère terrienne seraient liés les uns aux autres tel un maillage interdépendant et connecté. C’est pourquoi le titre de l’exposition laisse seulement en option le pluriel, dans une proposition optimiste d’un avenir où la symbiose avec la nature est encore possible.

Rodolphe Martinez intègre dans sa pratique cette dynamique de croisements et de superpositions. Peinture et photographie se mêlent dans ses œuvres fonctionnant comme des palimpsestes aux multiples lectures. La forêt canalise ici tout l’imaginaire de liberté et d’ailleurs de l’homme. Elle devient le lieu symbolique du dialogue préservé, idéal et vertueux. 

Dans ses œuvres, Chris Pillot utilise la ligne du pinceau pour prendre le pouls du monde. En mesurant les réactions psychophysiologiques de son corps en relation avec son environnement, l’artiste crée des empreintes-encéphalogrammes, des reliefs, des cartographies qui, comme des partitions, chantent les vibrations mêlées de l’humain et de la nature. Le nouveau langage ainsi développé est semblable aux anneaux du temps que l’arbre décompte dans son bois tout le long de sa vie.

Le sculpteur et designer Maxime Goléo est avant tout ébéniste et c’est l’écoute du matériau qui guide sa main. Il crée des œuvres à mi-chemin entre mobilier et sculpture, corps noueux, organes humains et ramifications végétales. Les formes strictes et géométriques de nos constructions modernes ne l’intéressent pas : il leur préfère la courbe sensuelle et naturelle que son médium sous-tend. Sous ses mains, le bois devient un être en mouvement, un nouvel organisme. 

Les dessins sur feuilles de cuivre battues de Léa Cornetti dénotent d’une nécessité presque obsessionnelle de fouiller, telle une archéologue, la matière humaine. Les lignes tracées sur la surface du métal dessinent des systèmes nerveux semblables à des arborescences végétales. Les portraits racinaires de Léa Cornetti confondent, à feuille de peau, l’homme et la nature en les ramenant sur un pied d’égalité. 

Les sculptures en céramique de Nathalie Barbet impactent dans leur matière les changements climatiques vécus par l’artiste lors de ses voyages. Comme les coraux mourants, la couleur s’est estompée de ses œuvres en porcelaine. Elle contamine cette matière d’excroissances de polypes coraliens et de bulbes d’anémones. Elle sculpte les boursouflures mi animales, mi végétales comme les planches dessinées d’Ernst Haeckel. En recréant au sein de l’espace d’exposition une barrière de corail, elle offre aux visiteurs un mirage de « trésors de mer » qui leur rappelle ce qu’ils ne pourront plus voir désormais. 

La photographie de Cédric Hayabusa présentée dans l’exposition est saisissante dans les proportions naturelles qu’elle rappelle. L’homme est ici perdu dans l’immensité de la forêt. Le gigantisme des arbres et de leurs troncs millénaires et survivants, les fait apparaître comme des titans d’un autre âge. Nous sommes écrasés par tant de pérennité, de grandeur et de majesté. 

Les recherches artistiques présentées dans l’exposition conservent en elles la mémoire d’un âge où nous vivions en symbiose avec la nature. Les souvenirs fusionnent, s’hybrident et créent de nouvelles chimères baignant entre deux eaux ; elles oscillent entre la nostalgie et l’espoir d’une harmonie nouvelle. Les reliques et les rêves de nature que les artistes de SYMBIOSE(S) subliment, créent un tissu de réflexions et de rencontres dans lequel l’interdépendance et la transdisciplinarité sont reines. Les Art'Gentiers se situent au cœur de ce maillage en accueillant ce point de rencontre et en continuant, avec cette seconde exposition, à ramener à la surface les trames de réflexions qu’il nous faut sans cesse réactiver.

[1] James Lovelock, La Terre est un être vivant, l'hypothèse Gaïa, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1999.

Image : ©Maxime Goléo

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